Pollution, accidents, bien-être animal: faut-il définitivement interdire les feux d’artifice?

À quelques jours de 2024, est-ce qu’il ne serait pas temps d’en finir pour de bon avec la tradition des feux d’artifice? C’est beau, mais ça coûte cher, ça pollue, ça effraye les animaux et ça cause des accidents.

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C’est une tradition qui perdure au fil des ans. Chaque 31 décembre, et parfois même avant, à l’occasion du passage à l’an neuf, villes, communes et particuliers y vont de leur feu d’artifice. Mais au-delà du spectacle visuel, les feux d’artifice soulèvent des problèmes parfois méconnus. Ils ont notamment un impact non négligeable sur l’environnement.

Une tradition polluante

Saviez-vous que les feux d’artifice étaient des gros pollueurs? En 2012, l’association française agréée de surveillance de la qualité de l’air en région Île-de-France a effectué des relevés après les festivités du 14 juillet. Résultat: la concentration des particules fines dans l’air suite au spectacle augmentait de 3.000% dans la zone de tir. Les feux d’artifice polluent l’air, mais pas seulement.

Dans un rapport publié il y a quelques années, l’organisation de protection de l’environnement Robin des Bois a indiqué qu’en retombant, les poussières de soufre, de perchlorate, de colorants chimiques et les résidus solides de fusées polluent les sols, les cours d’eau et la mer. De plus, les feux d’artifice contiennent aussi des particules fines métalliques, comme du cuivre et du lithium. Ce sont elles qui donnent des couleurs éclatantes lors de l’explosion. Rejetées dans l’atmosphère, ces particules génèrent de la pollution et ont un impact sur la santé.

Des tonnes de particules fines dans l’atmosphère

À titre indicatif, l’association française souligne qu’avec ses 30 tonnes de poudre noire (composée de charbon, de soufre et de salpêtre, ainsi que d’un agent oxydant, le plus souvent du perchlorate de potassium), le feu d’artifice de la Tour Eiffel du 14 juillet entraîne à lui seul le rejet de près de 15 tonnes de CO2, soit près de 3.000 voitures au diesel faisant une fois le tour du périphérique parisien.

Chez nos voisins allemands, la situation n’est guère plus réjouissante. Des analyses ont montré que durant la nuit de la Saint-Sylvestre, les Allemands envoyaient dans l’air 5.000 tonnes de particules fines à cause des feux d’artifice. À titre de comparaison, en 2016, l’Allemagne a émis 203.000 tonnes de particules fines. De plus, ces données ne tiennent pas compte des résidus de fusées, souvent laissés dans la nature par les particuliers.

Un impact sur les animaux

Au-delà de la pollution générée, les feux d’artifice ont d’autres effets négatifs non négligeables. Tout d’abord, ils sont à l’origine d’incendies d’habitations mais aussi, en été, de feux de forêt. L’impact de niveau sonore des explosions sur les animaux est également important et problématique. La faune sauvage en est victime. Le bruit des explosions fait fuir de nombreux oiseaux, qui parfois abandonnent leurs nids et leurs petits.

Enfin, les animaux de compagnie sont également fortement touchés par les feux d’artifice. Chaque année, des chiens et des chats, effrayés par le bruit, s’échappent de leur domicile. Pour les animaux en prairie, ces explosions sont également une source de danger. Chaque année, des chevaux et des oiseaux dans les volières succombent à cause du stress important engendré par les explosions des feux d’artifice. C’est ainsi qu’aux États-Unis, chaque année, des centaines de bénévoles se mobilisent et passent leur 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, dans les refuges pour calmer les animaux et leur tenir compagnie.

De plus en plus d’accidents

Il y a quelques jours, la Fondation des brûlés a lancé une nouvelle campagne de prévention pour sensibiliser le grand public aux dangers et aux risques liés à l’usage des feux d’artifice à l’occasion des fêtes de fin d’années. L’organisation souhaite par ailleurs obtenir une interdiction totale de l’achat et de l’utilisation des feux d’artifice par les particuliers. Le nombre de victimes de tir de feu d’artifice ne cesse d’augmenter, selon le communiqué de la Fondation.

Certaines villes prennent les devants

Ces dernières années, de plus en plus de villes et de communes prennent des décisions contre les feux d’artifice. Parfois en mettant le bien-être animal ou l’environnement en avant, d’autres fois pour éviter des accidents. À quelques jours des festivités de fin d’année, la ministre wallonne du Bien-être animal, Céline Tellier, a encouragé les communes à cadrer l’utilisation des feux d’artifice sur leur territoire, à utiliser des alternatives respectueuses et à sensibiliser les citoyens. Elle a également appelé le fédéral à mettre en place «une législation uniforme qui protégerait mieux les animaux de ces nuisances évitables».

Il y a quelques jours, l’union des villes et communes flamandes (Vereniging van Vlaamse Steden en Gemeenten) avait déjà plaidé pour une interdiction totale des feux d’artifice pour les particuliers. Une mesure cependant difficile à mettre en œuvre, a réagi le cabinet de la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden. Le gouvernement flamand avait ainsi tenté d’introduire une interdiction généralisée au nom du bien-être animal mais a été rappelé à l’ordre par la Cour constitutionnelle.

Enfin, en Région bruxelloise, le ministre-président Rudi Vervoort a fait voter un décret interdisant la possession, le transport et l’utilisation de feux d’artifice dans les espaces publics de la région du 15 décembre au 3 janvier. Cette interdiction s’applique aux feux d’artifice et aux articles pyrotechniques à usage théâtral ainsi qu’aux canons sonores. La mesure ne s’applique pas aux professionnels disposant des licences requises. La vente de feux d’artifice est réglementée par le SPF Economie, qui est lui-même lié par des accords européens. Le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne prépare toutefois un arrêté royal interdisant la vente de certains types de feux d’artifice, ainsi qu’un arrêté royal relatif à l’introduction d’un «Pyropass». Ce dernier devrait permettre de restreindre la vente de certains types de feux d’artifice.

Vers une interdiction nationale aux Pays-Bas?

Chez nos voisins aussi, de plus en plus de voix s’élèvent contre les feux d’artifice. Plus de 30 communes néerlandaises veulent que les autorités interdisent la vente, la possession et les tirs de feux d’artifice. Une interdiction à échelle nationale est plus efficace qu’une succession d’interdictions locales, ont-elles affirmé dans une enquête de l’agence de presse néerlandaise ANP, à laquelle 150 communes ont participé.

Parmi les principaux défenseurs de cette idée figurent les quatre grandes villes du pays, Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht qui ont déjà plaidé plusieurs fois pour une interdiction nationale, autant auprès des autorités qu’au parlement. La demande est restée vaine jusqu’à présent. «Une interdiction nationale permet plus de clarté pour les habitants, les vendeurs et les agents» et se veut donc plus efficace, explique le bourgmestre de La Haye, Jan van Zanen. D’autres communes comme Groningen, Haarlem ou Zoetermeer se sont également prononcées en faveur de cette interdiction à large échelle. «Nous ne sommes pas contre les feux d’artifice, mais nous nous inquiétons des dégâts et des blessures causés par une mauvaise manipulation des feux d’artifice», explique la commune de Zoetermeer.

Des alternatives existent

Surtout que les alternatives se développent. Il y a désormais les spectacles de drones capables de remplacer les feux d’artifice. Il y a aussi les feux d’artifice silencieux. Gaia plaide depuis plusieurs années en faveur de ces feux d’artifice dits silencieux. Il s’agit de feux d’artifice dont la détonation est toujours perceptible mais dont le bruit dans les airs est plus contenu. En vrai, est-ce qu’il ne serait pas venu le temps de mettre fin à cette tradition? La question mérite en tout cas d’être posée.

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