Pourquoi cet ingrédient de notre quotidien est l’avenir du recyclage des déchets alimentaires?
Alors que les boulangers sont assommés par la hausse du prix de la farine de blé qui a gonflé entre 30% et 40%, cet ingrédient de base constitue une nouvelle recette pour recycler les déchets alimentaires.
À Reggio d’Emilie, en Emilie-Romagne, douze tonnes de déchets prenant la forme d’écorces d’oranges, d’ananas, mais aussi de pépins et de peaux de tomates, d’épluchures de carottes ou encore de résidus de céréales, sont livrées chaque mois dans une petite entreprise de seulement cinq salariés qui ont à cœur de réduire le gaspillage alimentaire. Pour mener à bien son objectif, la société Packtin a déposé un brevet qui protège un process de séchage dit à froid, réglé entre 30º et 40º, pour déshydrater tous les déchets.
Ce procédé remplace le processus de lyophilisation auquel a recours aujourd’hui l’industrie de l’agroalimentaire. Pour être parfaitement vertueux, les patrons Riccardo De Leo et Andrea Quartieri n’acceptent que les déchets produits à moins de 150 kilomètres de leur entreprise. Et dans le cas de l’ananas ou des oranges en provenance de Sicile, les fruits sont transformés sur place pour limiter l’empreinte carbone, avant que les écorces ne soient traitées par leur processus exclusif d’extraction. Durant 24 heures, les épluchures sont dépourvues de toutes les molécules d’eau, elle-même récupérée pour alimenter l’usine.
Une technique moins chère
«Non seulement cette technique coûte moins cher que la lyophilisation, mais surtout elle permet de conserver toutes les propriétés nutritionnelles et gustatives des fruits et légumes et parvient même à garder la pectine», nous a confié Andrea Pulvirenti, conseiller scientifique qui a chapeauté le projet d’études des deux fondateurs avant qu’ils ne décident de le transformer en start-up. Et d’ajouter «nous avons conclu récemment un partenariat avec une boulangerie artisanale qui souhaite parfumer ses panettones avec notre farine d’écorces d’oranges».
Les farines de Packtin peuvent être utilisées de diverses façons dans les recettes. Présente à Paris-Nord Villepinte lors du dernier Salon de l’alimentation (SIAL), l’entreprise a aussi démontré aux industriels de l’agroalimentaire qu’ils pouvaient renforcer naturellement la couleur de leurs aliments. Les farines sont en effet de parfaits colorants naturels. Elles peuvent aussi renforcer le goût pour un moindre coût, souligne monsieur Pulvirenti qui illustre son explication avec les pépins et les peaux de tomates qui renferment encore beaucoup de saveur. Dans le cas de l’ananas, il s’agit plutôt d’extraire les fibres pour les utiliser comme conservateur naturel. «En ajoutant la farine d’ananas à des pâtes farcies, on peut les garder jusqu’à trois mois car il n’y aura pas de perte de matières grasses» révèle le scientifique. L’équipe de Packtin imagine même mettre ses farines à profit en tant qu’ingrédients pour fabriquer des enrobages comestibles et réduire ainsi la quantité de déchets.
Si les usages envisagés par la start-up italienne ne concernent que des professionnels de l’agroalimentaire, les particuliers aussi pourraient revoir leurs habitudes en utilisant davantage des farines produites à partir de déchets recyclés. Au Canada, la société Ground-Up eco-Ventures fabrique de la farine… de café! Parfaitement sans gluten, cette mouture obtenue à partir de marc de café récupéré auprès d’adresses dans l’état de l’Alberta, contient deux fois plus de protéines qu’une farine de riz. La société canadienne propose aussi une farine à base des résidus d’orge après le brassage de bières réalisées par des micro-brasseries dans les environs.
En France, voilà quelques années déjà que des jeunes entrepreneurs qui ont à cœur de s’impliquer dans la réduction des déchets récupèrent les drêches, c’est-à-dire la pulpe obtenue après le brassage de la bière, pour composer des farines. La marque Ramen tes drêches l’utilise par exemple pour concevoir des nouilles japonaises. La start-up francilienne avait été applaudie par IdFood, le concours de l’innovation alimentaire en Ile-de-France en 2020.