Qu’est-ce qu’on attend pour éteindre les panneaux publicitaires?

Alors qu’à l’étranger de plus en plus de villes prennent des mesures pour éteindre les panneaux publicitaires lumineux, la Belgique semble être vraiment à la traîne sur le sujet…

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par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 5 min.

Dans la vie de tous les jours, il y a parfois, souvent même, des choses paradoxales. En pleine crise énergétique et écologique, on nous demande de baisser le chauffage, d’éteindre les lumières, de mettre d’horribles pulls à col roulé et de consommer moins. C’est bien et c’est probablement même nécessaire. Mais à côté de cela, lorsque vous sortez dans n’importe quelle ville une fois la nuit tombée, vous verrez des dizaines de panneaux publicitaires allumés…

Une consommation colossale

Savez-vous quelle est la consommation électrique d’un panneau publicitaire lumineux? Difficile pour le commun des mortels d’en avoir la moindre idée… Mais si vous pensiez que c’était l’équivalent d’une grosse télé, vous vous mettez le doigt dans l’œil! En effet, selon les chiffres de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en France, un panneau publicitaire de 2m² consomme 2.049kWh par an. «Ce qui est proche de la consommation moyenne d’un ménage français pour l’éclairage et l’électroménager», soulignait l’Agence en 2020.

Chez nous, JCDecaux a récemment confirmé à Moustique que leurs écrans publicitaires de 75pouces consommaient «environ 2.600kWh par an». On s’approche donc de plus en plus de la consommation annuelle moyenne d’un ménage belge qui est d’environ 3.000kWh. Et le groupe dispose de près de 1.500panneaux en Belgique. Mais la palme de l’écran publicitaire le plus énergivore du royaume revient à celui installé sur le Centre Monnaie, bâtiment iconique du centre de Bruxelles (voir photo de une). D’une dimension de 131m², il consommerait autant qu’une centaine de familles chaque année!

La volonté est là…

En Belgique, de nombreux politiciens semblent avoir conscience de l’absurdité de laisser ces panneaux publicitaires allumés toute la nuit. «Des panneaux publicitaires énormes qui consomment l’équivalent de plusieurs ménages et qui fonctionnent aussi la nuit, c’est du gaspillage énergétique, on ne peut plus se permettre ça», admettait le 1er septembre dernier le ministre bruxellois de l’Environnement et de l’Energie Alain Maron au micro de Bel RTL.

… mais ça n’avance pas

Pourtant, contrairement à la France (voir encadré), les choses peinent à bouger. En théorie, depuis 2019, chaque nouveau panneau publicitaire installé dans la capitale doit être éteint entre 22h et 7h du matin. C’est d’ailleurs l’une des conditions pour obtenir un permis d’urbanisme. Sauf que dans la pratique, cette condition n’a pas de base légale et certaines communes bruxelloises ne demandent pas que les nouveaux panneaux soient éteints la nuit. Il y a bien un projet sur le feu pour uniformiser tout ça et pour imposer l’extinction des publicités lumineuses la nuit sur tout le territoire bruxellois. Mais son application n’est pas attendue avant 2024…

Une prise de conscience trop tardive?

Face à l’inaction politique, certains citoyens décident de passer à l’action. C’est notamment le cas des membres du mouvement Extinction Rebellion ou des collectifs Liège sans pub et Bruxelles sans pub. «Cette incitation permanente à la surconsommation, pour écouler une production polluante, ne doit plus nous être imposée. Préférez-vous des panneaux publicitaires ou des arbres fruitiers dans nos rues? C’est à nous de décider de l’usage de l’espace public», soulignait récemment une branche française d’Exctinction Rebellion lors d’une action anti-pub.

Plutôt que d’éteindre les panneaux publicitaires quelques heures pendant la nuit, de nombreux militants écologistes plaident pour leur suppression pure et simple. «Ces panneaux lumineux, il ne faut pas les éteindre, il ne faut pas en mettre car en réalité, ils ne sont pas tout seuls, il y a des réseaux mobiles et filaires derrière, et leur objectif est de pousser à la consommation, ce qui n’est plus du tout adapté à ce vers quoi on veut tendre», a déclaré au HuffPost Emmanuelle Frenoux, chercheuse en sciences et impact du numérique à l’Université Paris-Saclay.

En attendant, en ces soirées d’automne, à 21h, le soleil est déjà couché depuis quelques heures à Bruxelles et de nombreux panneaux publicitaires sont encore en train de briller de mille feux.

-> Paris montre l’exemple

Le 12octobre, le conseil municipal de la Ville de Paris a voté une mesure importante. À partir du 1er décembre, les exploitants de publicités lumineuses devront éteindre les lumières entre 23h45 et 6h du matin. Ce n’est qu’une première étape au sein d’un projet bien plus global. En effet, à partir de 1er juin 2023, les lumières publicitaires devront être éteintes la nuit sur tout le territoire français.

-> Les risques de faire justice soi-même

C’est une situation qui peut prêter à sourire mais qui n’a pas fait rire tout le monde. En juin dernier, un écran publicitaire géant avait été installé dans la gare de Liège-Guillemins. Avant de monter dans son train vers Namur, un navetteur avait décidé de débrancher la prise de cette installation. «J’en avais marre d’être ébloui, depuis une dizaine de jours, par cette publicité allumée nuit et jour devant la gare. J’ai décidé d’appliquer les conseils du gouvernement fédéral, qui nous invite à débrancher les appareils énergivores pour faire des économies», explique-t-il. Néanmoins, des agents Securail ont été prévenus. Tous les passagers ont dû descendre du convoi et l’homme a été conduit au poste. Résultat: le train a eu 20minutes de retard et le navetteur risque une amende de 60€ par minute de retard, soit 1.200€.