Rencontre avec Hugo Clément : «La plupart des végétariens et des vegans ont un jour mangé de la viande»
Dans son dernier livre «Les lapins ne mangent pas de carottes», Hugo Clément veut faire changer le regard que nous portons sur les animaux. À l’occasion de son passage à Bruxelles, Metro l’a rencontré.
Depuis quelques années, Hugo Clément est sur tous les fronts. Que ce soit à la télé, sur les réseaux sociaux ou dans ses livres, le journaliste français de 33 ans utilise toutes ses forces pour défendre l’environnement et les animaux.
Dans «Les lapins ne mangent pas de carottes», il aborde les thèmes qui lui sont chers: l’élevage intensif, la chasse ou encore la présence d’animaux sauvages dans les cirques et dans les zoos. «Le fil rouge, c’est notre manière de voir les animaux, notre manière de les considérer et comment nous nous plaçons nous-même dans ce grand règne du vivant», explique-t-il. Hugo Clément part du constat qu’il y a beaucoup de méconnaissances et de malentendus sur les animaux et que beaucoup oublient que l’homme est une espèce animale. «On n’est rien d’autres que des primates de la famille des hominidés, comme les chimpanzés et les gorilles. Cette vision qu’on a des autres animaux explique en bonne partie comment on se comporte avec eux et comment on se donne le droit de les exploiter et de leur imposer de la violence», estime le journaliste. Pour lui, il est fondamental de faire basculer ce regard: «Nous sommes juste des animaux qui avons besoin d’un écosystème en bonne santé et d’autres animaux pour vivre à nos côtés. Il faut donc les traiter en voisin et avec respect».
La question de la violence
Est-ce que ce changement de regard supprimera toute la violence envers les animaux? Ce serait utopique de le penser, estime Hugo Clément. «La violence fait partie des écosystèmes. Le rapport entre un prédateur et sa proie est un rapport violent. Mais il faut se poser la question de l’aspect nécessaire ou non des violences qu’on leur inflige: est-ce que manger autant de viande est nécessaire? Est-il nécessaire de chasser autant d’animaux comme on le fait aujourd’hui en Europe, de pêcher autant ou de maintenir certaines traditions comme la Corrida? Posons-nous la question à chaque fois: est-ce que la violence qu’on inflige aux autres créatures, qui souffrent comme nous, est nécessaire? Si la réponse est non, alors il faut tout faire pour la réduire».
Connaître les animaux pour mieux les respecter
Dans son livre, Hugo Clément livre aussi des anecdotes loin d’être anecdotiques. Prenez le titre par exemple, «Les lapins ne mangent pas de carottes». Bien qu’il puisse paraître amusant au premier regard, il en dit beaucoup sur le regard que nous portons sur les animaux. «Effectivement, les lapins ne mangent pas de carottes. Ils mangent les fânes des carottes. Ils vont en manger si on leur en donne, mais ce n’est pas bon pour eux et ça peut leur causer des problèmes de santé. Le fait que nous associons de la sorte le lapin à la carotte signifie beaucoup de choses sur notre manière erronée de voir les animaux et leur comportement». D’ailleurs, c’est loin de concerner les lapins. «C’est aussi vrai pour les loups qui sont vus comme des méchants dans les livres pour enfants, ou pour les moutons considérés comme des suiveurs, ainsi que les poules perçues comme des idiotes. Nous avons plein d’idées sur les animaux qu’il faut déconstruire. Cela nous permet de mieux les connaître mais aussi d’apprendre à les respecter un peu plus», estime Hugo Clément.
Les animaux sont des individus
Pour Hugo Clément, au mieux on va connaître les animaux, au plus on va les respecter. «Nous vivons avec les chiens et les chats et nous leur reconnaissons le caractère d’individu. On sait qu’un chien n’est pas interchangeable avec un autre, qu’il a une personnalité, que c’est un individu propre. Il faut reconnaître cette individualité à tous les animaux. Un cochon, une vache, une poule, ce sont aussi des individus. Or, la manière dont ils sont traités dans les élevages et dans les abattoirs est abominable. Si on faisait cela à des chiens, tout le monde nous prendrait pour des fous. Alors que ce sont des animaux très semblables. Si vous éduquez un cochon comme un chien, il se comportera comme un chien: il reconnaîtra son nom, il se mettra sur le dos pour qu’on lui gratte le ventre, il sera content de vous voir. C’est très intelligent un cochon», explique-t-il.
Il critique la «course à la pureté»
Dans le livre, il évoque aussi son cheminement personnel et notamment comment il a commencé à arrêter de manger de la viande et du poisson à l’âge de 26 ans. Néanmoins, contrairement à d’autres, il n’ambitionne pas de pousser tout le monde à devenir végétarien. «Ce qui compte ce qu’on réduise massivement notre consommation de viande et de poisson. C’est indispensable si on veut éviter la catastrophe climatique et l’effondrement climatique. On ne peut pas continuer à manger autant de viande et de poisson si on veut réduire le mal-être des animaux et si on veut éviter l’effondrement du vivant. C’est la première étape. Réduire, c’est déjà bien», confie Hugo Clément.
D’ailleurs, il dénonce le discours trop radical que peuvent avoir certains vegans. «Il ne faut pas pointer ce qui ne va pas assez loin ou le fait que quelqu’un a réduit sa consommation mais qu’il mange encore de la viande. Ces discours et cette course à la pureté sont terribles car ils génèrent de l’inaction. C’est injuste car la plupart des végétariens et des vegans ont un jour mangé de la viande. Ils ont eux-mêmes changé».
Lui-même continue à consommer de temps en temps des œufs et des produits laitiers. «Je mange beaucoup d’œufs pondus par des poules venant de mon entourage mais aussi parfois des œufs bio qui proviennent du commerce, on ne va pas se mentir. J’espère être vegan un jour mais j’essaie aussi de fuir cette injonction d’exemplarité qui bloque vraiment la majorité des gens. Être végétarien, c’est déjà génial. Et si tu ne l’es pas, diviser par deux, trois ou quatre ta consommation de viande, c’est déjà super. Ce qui compte c’est la trajectoire, d’où on part et où on va, et qu’elle réduise l’impact que l’on a. Pour embarquer des millions de gens, il faut être dans cette démarche-là et pas dans une démarche ‘tout ou rien’ car sinon c’est souvent rien», conclut Hugo Clément.
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