Zoom sur le «greenhushing», une tendance qui nage à contre-courant du greenwashing
Connaissez-vous le «greenhushing»? Une tendance qu’on pourrait traduire par «écosilence» en français.
Halte aux promesses de matériaux durables, équitables ou bons pour la planète estampillées sur certains produits! Les consommateurs sont d’ailleurs de moins en moins dupes. Face au phénomène massif du greenwashing, de plus en plus d’ONG n’hésitent plus à épingler et dénoncer les pratiques «pro-environnementales» douteuses employées par les grandes entreprises. Le monde de la publicité n’a quant à lui qu’à bien se tenir: en septembre dernier, une réclame diffusée au Royaume-Uni pour un produit de lessive Persil (du groupe Unilever) a été interdite sur les écrans de télévision par l’autorité britannique de la publicité, qui a jugé ses promesses environnementales «trop floues».
Le greenhushing ou l’écosilence
Pourtant, certaines marques jouent réellement «le jeu» en s’engageant dans des démarches écoresponsables qui tiennent la route. Par exemple, en utilisant des matières premières naturelles, locales et biodégradables, s’il s’agit de produits cosmétiques ou de vêtements. Problème: elles auraient globalement moins tendance à les mettre en avant que celles qui donnent dans l’écoblanchiment. Un phénomène observé depuis quelques années et désigné par les anglophones sous le nom de «greenhushing», que l’on peut traduire par «écosilence» en français.
Les facteurs qui favorisent cette discrétion peuvent être multiples. L’entreprise peut par exemple considérer que son engagement est sincère et donc éviter volontairement d’en faire trop étalage, de peur d’être taxée d’opportunisme. D’autres encore peuvent redouter de perdre des clients potentiels en insistant trop sur le caractère naturel de certains produits, craignant que les consommateurs les perçoivent comme moins efficaces. Mais l’explication qui ressort le plus dans les études et les articles consacrés à l’analyse du greenhushing est la peur d’être accusé de «ne pas en faire assez» sur le plan environnemental et de se faire tacler par les consommateurs. Une réticence qui s’exprime surtout chez les petites marques qui cherchent à se faire un nom.
Comment savoir si une marque est réellement engagée?
Si ce témoignage apparent de modestie peut sembler a priori positif, il peut toutefois devenir contre-productif dans la mesure où il prive les autres entreprises d’exemples inspirants. Mais aussi les consommateurs: en effet, comment savoir si une marque est réellement engagée s’il n’existe pas de modèles déterminants sur le marché? De plus, ce silence a de quoi interroger: à quoi bon, et a fortiori si elle est vertueuse, se priver d’une communication axée autour des engagements écologiques d’une marque, sachant qu’un nombre croissant de consommateurs recherche précisément des produits qui remplissent ces critères?
Une attente de transparence
Une étude réalisée en Autriche et dont les résultats ont été publiés en 2020 dans le Journal of Travel Research s’est intéressée aux réactions des clients face aux établissements hôteliers et leur manière de communiquer autour de leur démarche «verte».» Dans l’ensemble, notre recherche fournit peu de raison d’être valable pour le greenhushing du point de vue des clients», concluent les chercheurs. Au contraire, l’étude dénote clairement une attente de transparence de la part des consommateurs vis-à-vis des démarches pro-environnementales des entreprises et des marques.
D’autant que le fait de communiquer sur son engagement écoresponsable n’empêche pas nécessairement de conserver le sens des réalités, comme l’a récemment prouvé le PDG de Patagonia Yvon Chouinard, en annonçant sa décision de léguer son entreprise (estimée à une valeur de 3 milliards d’euros) à un trust et une ONG environnementale. Connue pour son engagement écologique de longue date, la marque américaine avait expliqué un an auparavant à travers une lettre ouverte que la marque n’utilisait volontairement pas le terme durable dans sa communication. «Pourquoi? Parce que nous reconnaissons que nous faisons partie du problème», avait expliqué Beth Thoren, directrice de l’action et des initiatives environnementales de Patagonia.